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19 Mai 2022

PARLONS JURIDIQUE : Entrepreneuriat social, une analyse conceptuelle

Le contexte de crise sanitaire, sociale et environnementale impose la nécessité de refonder l’entreprise pour évoluer vers un acteur social plus responsable. Cependant, pour relever un tel défi, l’entreprise ne doit plus simplement satisfaire des intérêts particuliers (actionnaires), mais au contraire inscrire sa démarche dans une dimension sociale. C’est dans ce contexte , le concept d’entrepreneuriat social » a pris au fil du temps des significations diverses et a vu son champ sémantique s’élargir progressivement suivant les auteurs qui ont fait usage. Initialement, il était utilisé pour désigner les activités d’entreprise promues par des organisations à but non lucratif, afin de générer des bénéfices réinvestis dans le financement de ces organisations. L’absence d’une réglementation définissant clairement les éléments constitutifs de l’entreprise sociale et précisant ses droits et ses obligations rendent ce type de structures peu connues et peu développés au Maroc. Il importe de clarifier le concept d’entreprise sociale pour ne pas confondre avec celui de « responsabilité sociale des entreprises ». Les notions d' »entreprise sociale » et d' »entreprise solidaire » aussi sont présent vers une meilleure reconnaissance de la notion d’entreprise de l’économie sociale et solidaire » par la création d’une définition juridique de base qui pourrait contribuer utilement aux efforts de l’Union européenne et des États membres, en faveur du développement des entreprises de l’économie sociale et solidaire, de manière à ce que celles-ci tirent elles aussi parti du marché intérieur (Journal Officiel du 8 avril 2020 – Numéro C118 – Page 0145; Résolution du Parlement européen du 5 juillet 2018 contenant des recommandations à la Commission relatives à un statut pour les entreprises de l’économie sociale et solidaire (2016/2237(INL)).

Le terme d’entrepreneuriat social est apparu dans les années 1980 aux États-Unis pour définir une nouvelle sorte d’entrepreneurs désireux de proposer des modèles d’entreprises dont la logique de développement ne soit plus strictement économique, financière et aux fins de maximisation de la rémunération de l’actionnaire. Cette approche met l’accent sur l’individu comme acteur du changement social en tant que manager et développeur compétent, sur sa vision de la société, la mission qu’il s’assigne et les principes d’action qu’il s’engage à respecter.

La RSE, de son côté, s’insère dans le cadre plus général d’une responsabilité sociétale de l’entreprise. Une définition peut être trouvée dans le Livre vert que la Commission européenne lui a consacré en 2001:

la responsabilité sociale de l’entreprise est « l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et à leurs relations avec les parties prenantes » . Selon cette conception, les performances globales d’une entreprise doivent être mesurées en fonction de sa contribution combinée à la prospérité économique, à la qualité de l’environnement et au capital social, c’est-à-dire humain (ChristineNeau-Leduc, La responsabilité sociale de l’ entreprise: quels enjeux juridiques ? Droit social 2006 p.952);

La différence entre l’entrepreneuriat social et la responsabilité sociale réside dans la finalité première de l’entreprise. L’entrepreneuriat social se caractérise par sa finalité sociale, c’est à dire qu’il a pour but de résoudre les problèmes sociaux qu’elle a repéré, et qu’elle utilise pour cela des modalités économiques. Son objet intègre la dimension d’intérêt collectif et d’utilité sociale (https://www.avise.org/decouvrir/entrepreneuriat-social). Alors que la responsabilité sociale reflète surtout l’engagement volontaire de l’entreprise à prendre en considération les droits, les intérêts et les attentes de ses parties prenantes et à en rendre compte ( Asli amina, El idrissi slitine Abdelali. L’entrepreneuriat social au Maroc, Perception et pistes de développement, Revue Marocaine de Recherche en Management et Marketing N°8, Juillet-Décembre 2013, page 239)

Une autre notion mise en avant par Muhammad Yunus dans (Building Social Business. Capitalism that can serve humanity’s most pressing needs, Public Affairs, 2010.) , la notion de social business qui peut être également rangée dans cette seconde génération. Ce terme englobe les entreprises, quel que soit leur statut, qui doivent couvrir l’ensemble de leurs coûts par des ressources marchandes. Cette notion a été essentiellement développée pour faire reconnaître un modèle d’entreprise qui se focalise sur la fourniture de biens ou de services à des clients (très) pauvres, nouveau segment de marché pour certaines grandes entreprises, notamment dans les pays du Sud. Les social businesses sont généralement des sociétés formées par des investisseurs mais ces propriétaires, du moins dans la version de Yunus, ne reçoivent aucun dividende, les profits étant réinvestis intégralement dans l’entreprise au service de la mission sociale (Jacques Defourny et Marthe Nyssens, La percée de l’entrepreneuriat social : clarifications conceptuelles. Juris associations 2011, n°436, p.19).

L’entrepreneuriat social, qui vise à conjuguer efficacité économique et impact social, connaît aujourd’hui un essor important. En effet, les deux dernières années ont été marquées par des initiatives majeures de la part du Maroc. L’élaboration d’un projet de loi cadre nº 09.21 relatif à la protection sociale. L’objectif étant d’améliorer l’impact direct de cette protection sociale sur les citoyens à même de réduire la pauvreté et la vulnérabilité.

La mise en œuvre des Objectifs de Développement Durable, auquel le Royaume du Maroc a décidé de se prêter pour la deuxième fois depuis 2016, lors de sa participation au Forum Politique de Haut Niveau pour le Développement Durable, qui éteit organisé cette année du 7 au 17 juillet 2020 sous les auspices du Conseil Economique et Social des Nations Unies.

Afin de valoriser l’esprit d’innovation au Maroc, le Centre marocain pour l’innovation et l’entrepreneuriat social (MCISE) a lancé le programme en ligne «MINCOM» , dont la finalité est de valoriser l’esprit d’innovation des Marocains au niveau des régions du Royaume.

Sous le thème “Comment souhaitez-vous voir votre région en 2056”, le programme cible les jeunes étudiants, les personnes avec ou sans diplôme ou emploi, ainsi que les formateurs en entrepreneuriat et les associations. Le but est d’impliquer davantage ces personnes inspirées dans l’entrepreneuriat et le leadership dans le changement social positif de leur propre région. Les inscriptions sont ouvertes au public sur les réseaux sociaux de MCISE.

 

Par ailleurs, l’entrepreneur social Marocain d’aujourd’hui et de demain se trouve face à trois défis :

  • Les ressources juridiques : Comment mesurer l’impact juridique et la valeur sociale créée ? Comment maximiser son efficience sociale? Les cadres législatifs et réglementaires sont trop restrictifs : Les lois qui régissent le marché financier doivent être modifiées pour entraîner les fonds d’investissement social à s’intervenir. En plus, l’absence d’une réglementation définissant clairement les éléments constitutifs de l’entreprise sociale et précisant ses droits et ses obligations rendent ce type de structures peu connues et peu développés au Maroc.
  • Les ressources financières: pour démarrer le projet de l’entrepreneur social une question s’impose est celle l’argent Quels modèles économiques imaginer et proposer?. Le problème réside c’est se pose lorsqu’une entreprise sociale veut obtenir un prêt bancaire, les organismes financiers traditionnels refusent d’accorder des prêts aux entreprises sociales.

  • Les ressources humaines: Comment considérer le capital humain un moyen efficace afin de concilier la logique capitaliste et la logique sociale?

Face à ces défis, plusieurs propositions ont été formulées. L’élaboration des lois définissant les composantes et les acteurs de l’entrepreneuriat social au Maroc en général et l’entreprise sociale en particulier. Ainsi, la formation a un rôle essentiel aussi afin de développer des travaux de recherche appliquée et un enseignement transversal pluridisciplinaire et ancré dans la pratique afin de former et accompagner les entrepreneurs sociaux.

Brahim ATROUCH

Docteur en Droit, Professeur universitaire