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21 Mai 2020

Le piston dans le processus de recrutement

Quel est son impact?

  1. Le piston pour décrocher un emploi, quel état des lieux au Maroc ?

Avant de répondre à cette question, il faudrait tout d’abord clarifier les ambiguïtés autour du mot « piston » ; Terme considéré comme ayant une connotation péjorative en général. Etre pistonné pour décrocher un job revient à trouver « un piston » qui va appuyer fortement la candidature de la personne, indûment, en la favorisant ainsi par rapport aux autres candidats, existent-ils le cas échéant.

A mon sens, c’est une pratique malsaine, une forme de favoritisme qui va à l’encontre du droit Humain d’égalité des chances face à l’emploi, et des règles de déontologie dont doit faire preuve tout recruteur.

Au Maroc, je considère que c’est un phénomène qui a toujours existé et qui existe toujours, mais à des degrés moindres. Cela fait partie de la facette cachée de l’emploi.

Culturellement, ce système a toujours fonctionné au Maroc, et il suffit de faire une petite enquête auprès de quelques entreprises pour découvrir des noms de famille ou des origines qui resurgissent, à chaque fois, au fil des échanges.

Je pense que le fait de recourir à cette pratique dans nos entreprises pourra être corrélé à plusieurs facteurs, comme : le style de management, le niveau d’organisation et de formalisme des processus et procédures, l’état d’esprit des dirigeants, les croyances et valeurs partagées, le niveau de transparence qui règne, et j’ajouterais aussi le niveau de volatilité du secteur d’activité de l’entreprise et de la compétitivité au sein de son marché.

Ceci dit, et à partir de mon expérience, je trouve que la tendance d’acceptabilité de la pratique du piston dans nos entreprises est en baisse, dans une conjoncture internationale de plus en plus morose, marquée par un rythme effréné de changement, et où chacun a des comptes à rendre et des questions à se poser quant à sa propre pérennité dans l’entreprise.

  • Peut-on considérer cette démarche comme étant le moyen le plus efficace pour décrocher un premier job ?

Moyen couramment utilisé pour décrocher un stage, s’appuyer sur un piston pour dénicher un 1er poste pourrait effectivement s’avérer utile afin de s’insérer au marché du travail.

Cette démarche peut réussir auprès de quelques uns qui nécessitent un coup de pouce pour mettre le pas dans l’entreprise. Encore faut-il qu’ils aient une personne pour les recommander.

Faciliter l’accès à l’entreprise pourrait être crucial pour un jeune qui manque d’expérience et de visibilité. Dans ce cas, la mise en contact pourrait ne pas être assimilée à une pratique de piston du moment où le jeune va suivre le même parcours de sélection que les autres candidats, sans volonté délibérée de détenir un avantage sur un autre postulant, et en vérifiant qu’il détienne bien toutes les aptitudes requises.

User de son réseau pourrait même, à mon sens, être très positif et constructeur, et ce pour tirer des informations utiles, pour s’ouvrir aux autres, et pour se faire valoir. Cela témoigne bien d’une intelligence relationnelle et situationnelle des plus précieuses.

  • Quels sont les inconvénients du piston, aussi bien sur l’entreprise que sur le salarié pistonné?

Etre parachuté dans une structure, être imposé à sa hiérarchie, sans s’assurer de ses compétences, ni de son parfaite adéquation au descriptif de poste à pourvoir, constitue un grand danger, et pour l’entreprise, et pour le pistonné lui-même.

Ainsi, pour l’entreprise, le recrutement est un acte majeur qui doit être mûrement réfléchi car il l’engage sur le long terme. Les mauvaises décisions ont un coût social et économique importants et des conséquences lourdes, que ça soit sur le court, moyen ou long terme.

De l’autre côté, pour un pistonné qui n’a pas été apprécié pour ses compétences, il est clair qu’il portera sur ses épaules la honte de ne pas pouvoir être autonome, de ne pas parvenir à se prendre en charge.

Et pour parvenir à asseoir sa légitimité, il devra s’user afin de prouver ses compétences, afin de s’intégrer au sein d’une équipe qui doit forcément dissimuler rancœurs et pressentiments.

Ceci pourrait s’avérer dur et limiterait la liberté de la personne concernée vis-à-vis de son entourage, y compris de celui qui l’a pistonnée.

En réalité, cette pratique n’a pas d’acceptabilité sociale car elle s’appuie sur qui la personne connait, et non sur ce qu’elle fait ou sait faire.

  • Les entreprises favorisent les candidats issus de leur réseau. La cooptation n’est-elle pas une autre forme de piston?

Du latin coopatio, c’est un mode de recrutement qui consiste, pour une assemblée, à désigner ses propres membres.

Je dirais que la cooptation est une forme de réseautage officialisé au sein d’entreprises qui transforment leurs collaborateurs en de vrais chasseurs de têtes. Notons le cas de quelques entreprises de France ou ailleurs, comme Xerox, Danone, Manpower ou Mc Kinsey..

Il s’agit notamment de secteurs d’activités qui connaissent fréquemment des transformations radicales, tel que le secteur de la high-tech, où des entreprises cherchent des profils qui s’avèrent rarissimes.

C’est une démarche qui a prouvé son efficacité auprès de ces entreprises, car leurs collaborateurs connaissent bien leurs spécificités et les exigences des postes à pourvoir, et ils ont même des cadeaux de valeur et « des primes de cooptation » si les recrutements aboutissent.

Je trouve que ceci pourrait s’avérer fort intéressant du moment que les règles de recrutement et de sourcing sont transparentes, et qu’il n’y a aucune discrimination ; les CVs recueillis sont traités au même pied d’égalité, dans le respect de la déontologie, en utilisant des techniques valides et en s’appuyant sur des faits concrets et significatifs qui prouvent que la personne choisie est bien « the right man-or woman- at the right place ».

  • Quelle démarche pour instaurer la transparence dans le processus de recrutement ? 

Pour éviter tout échec, le recrutement doit s’inscrire dans une démarche réfléchie et construite sur le long terme. La formalisation par écrit du processus, et dans la transparence totale, permet de clarifier les rôles des différents intervenants et d’en améliorer l’efficacité.

Le recrutement ne se limitera pas à la simple définition de poste et de profil, il devra être fondé sur une vision stratégique de l’entreprise et prendre en compte aussi les aspirations du candidat, la réalité du marché, l’environnement dans lequel devra s’insérer le candidat, ainsi que les évolutions futures de l’emploi et de l’environnement.

Chafik MEKRAI HARTI
DG de Horizon Ressources Humaines
Coach ICF
Formateur des coachs