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06 Avr 2021

Le management de la fragilité : une porte vers une nouvelle approche de l’humain

Si je trouve que le management « de la fragilité » est plutôt un concept qu’une méthodologie, il a le mérite d’attirer l’attention sur des aspects essentiels du management. En effet le management de la fragilité complète le concept du management de la performance en y apportant une limite. C’est avant tout de cette limite dont il est question. Penser fragilité, ça veut dire penser joie, ou fleur dans un univers de béton et de verre. Une limite heureuse et profitable ! C’est en manageant des personnes en situation d’handicap, et donc fragiles, que l’entreprise a découvert qu’elles sont fréquemment dotées d’une joie de vivre supérieure à celle de leurs collègues. Cette joie semble provenir de la profondeur de la pensée établie sur les valeurs mais j’y ajoute pour ma part le fait de considérer que c’est une grande chance de disposer d’un travail dans certaines circonstances et qu’une personne en situation d’handicap sait mieux éprouver de la gratitude. Deuxième constat, cette joie de vivre est contagieuse !

Le management de la fragilité pourrait donc s’avérer comme une porte vers une nouvelle approche de l’humain au sein de son entreprise; Le seuil d’accès à une nouvelle organisation plus adaptée à l’ère post-Covid.

Le concept de fragilité s’étend en réalité à toutes les personnes de l’entreprise qui peuvent toutes connaître des moments ou des périodes de fragilité (je serais d’avis de l’entendre aux processus). Certains managers de mauvais alois poussent certains collaborateurs dans leur fragilité pour les conduire vers la sortie ou le placard. Le bon manager sait déjà, en principe, reconnaître la fragilité ou les limites de son collaborateur, en tient compte en accentuant son support humain.

Je préconise de « ressortir des tiroirs » la méthode du Management Situationnel qui permet d’établir un rapport fondé sur le développement de la compétence en quatre phases d’appropriation des tâches définies par l’entrecroisement de deux axes, l’un représentant la technique et la procédure et l’autre l’humain et sa motivation. C’est le salarié qui définit son niveau de compétence et de motivation (intrinsèquement reconnaît sa fragilité), et son manager approuve et valide le niveau et va adapter son style de management avec un degré approprié de coaching et de proximité. Le niveau 1 est basiquement celui du travailleur qui accomplit sa tâche ; le niveau 2 est celui d’un détachement plus grand et renvoie à l’autonomie, jusqu’ à ce qu’un point de fragilité apparaisse, et là on remettra de l’effort de relation. Cet effort de relation doit être celui de l’écoute véritable, laquelle ne s’improvise pas mais se travaille : si certaines personnes sont dotées d’empathie, puisque l’empathie est la clé de la relation, en général l’empathie a besoin d’être développée et entretenue, ce qui doit se faire dans un cadre de formation avec des personnes qui sont fortement dotées d’empathie et peuvent servir de modèles (attention au bon choix de l’équipe intervenante).

Si l’organisation veut se réformer, elle doit tout d’abord développer une politique de direction en forme de révolution culturelle en introduisant donc le concept de « Management d’acceptation et d’accompagnement de la fragilité«  dans ses plans de formation et en prévoyant l’évaluation (Audit des management des managers, 360 degrés, etc.).
La reconnaissance de la fragilité de chacun converge avec la reconnaissance de l’acceptation de l’erreur qui est d’ailleurs le point 8 du système de management de Deming qui vise à évacuer « la peur d’être pris en défaut ». Il faudra penser également à l’intégrer dans la culture de l’audit interne, des processus et de la qualité. En effet, un écart de performance ou de qualité n’est plus alors une faute à sanctionner, mais une occasion de progrès. Les documents internes liés à l’audit devraient s’intituler « fiche de constat de besoin de progrès ». En nous orientant vers une telle politique , la psychologie nous permet de faire un pas vers l’entreprise du futur.

C’est une entreprise qui opte pour le travail en équipe et pour des interactions riches entre les individus où le partage d’idées, de façons de faire, et la recherche d’amélioration deviennent la norme.

Ecoute, bienveillance, compréhension voici les nouveaux leitmotivs des managers. Il ne s’agit pas de concevoir une entreprise bisounours. Les objectifs demeurent, mais le degré de participation y est plus élevé, et donc d’appropriation de ceux-ci. Deuxième outil à sortir des tiroirs pour cet après-Covid :
le MPPO ou management participatif par objectif, c’est le deuxième outil que je préconise pour le déploiement de la politique. Le développement des équipes est une condition nécessaire au déploiement du management de la fragilité : ce sont les équipes qui peuvent contenir les personnes en situation de fragilité et leur permettre le mieux de rayonner quand elles sont en résilience ou accomplies. Le management de la fragilité a mis en évidence l’intérêt de la fragilité dans le système et qui est un enrichissement des potentialités de chacun. En effet, cette fragilité est le maillon de la chaîne de l’amitié, de l’entraide et du sourire. Le pouvoir de reconnaissance permet de libérer le sentiment d’amitié au plus haut degré. Cette intelligence de l’émotion pourrait bien apporter un changement global dans l’entreprise.

Dans un article précédent (AIGLE N°4) j’avais traité des risques psycho-sociaux (RPS) en décrivant l’impact des personnalités pathologiques dans le système. Le management de la fragilité pourrait bien être une solution systémique pour faire évoluer les mentalités et assainir les personnalités. Exit les burnouts ! En effet, toute personne (et non pas seulement les personnes fragiles comme on a coutume de le croire) est susceptible de connaître un burn-out. Certaines conditions déprimantes de travail dans un double contexte de management par objectifs de performance et soumission à un chef pathologique engendre les conditions nécessaires d’un burnout. Le « Management d’acceptation et d’accompagnement de la fragilité«  va permettre de faire éclore, à l’encontre de la grisaille et du fer, un sentiment de sécurité émotionnelle propice aux partages nécessaires des points de fragilité dans l’entreprise et donc produire les évolutions salutaires. Jadis j’ai appris qu’un chef japonais s’amende de l’erreur qu’a commis son collaborateur. C’est un exemple d’intégration très proche du management de la fragilité.

 

 

Mr.  Bernard CORBEL 

Psychologue clinicien
Psychothérapeute & consultant 

 

Article du magazine « AIGLE »8ème édition