fbpx

03 Nov 2020

La réflexion juridique sur La flexibilité en droit du travail

La flexibilité a été pendant des années un sujet important dans le débat social. Sa signification diffère d’un champs disciplinaire à un autre.
En économie, la flexibilité caractérise la souplesse de l’organisation et des moyens de production vis-à-vis des évolutions de la demande et de l’environnement économique. Elle concerne donc : La flexibilité du travail, la capacité d’une entreprise à s’adapter aux évolutions de sa demande et de son environnement. Juridiquement, la flexibilité est l’ensemble des mesures susceptibles d’assouplir les règles concernant le choix du contrat de travail, le temps de travail, le congé, le licenciement, afin d’adapter l’entreprise aux changements du marché.

Le droit du travail a longtemps été accusé au Maroc de rigidité en raison du statut de protection légale accordé au salarié. La logique du droit de travail était ordonnée autour de la notion de protection du salarié. A cet égard, le licenciement est considéré comme un abus de droit et donc déclaré nul s’il n’est pas justifié par une cause valable. En ce qui concerne le licenciement pour motif économique, le droit du travail a établi une procédure rigoureuse prévue dans les articles 66, 67, 68, 69, 70, afin d’en permettre un contrôle plus strict et pour éviter le licenciement.

Depuis 2003, le défi le plus important pour le système Marocain des relations du travail était de donner naissance à un code de travail moderne. C’est pourquoi la flexibilité était un objectif positif à plusieurs égards, à savoir : la réduction du taux du chômage, la lutte contre la discrimination, la protection de la femme, la promotion de la liberté syndicale et la préparation d’un terrain sain et actif pour les investisseurs étrangers.

Les principales réformes donc peuvent se résumer dans les points suivants : la promotion des contrats à durée déterminé ; la possibilité de conclure un contrat d’insertion professionnelle pour une durée de 24 mois; le développement des agences de travail temporaire et les facilités pour diversifier l’organisation du temps de travail. Notons également l’assouplissement des règles du licenciement à l’égard de certaines catégories de travailleurs, présentant des difficultés particulières pour trouver un emploi (jeunes travailleurs dans leur premier emploi, travailleurs âgés), l’objectif étant une incitation au recrutement.

Autre illustration, le changement important occasionné par les débats sur la flexibilité eu égard au congédiement concerne le licenciement pour motif économique. Ce n’est plus un instrument exceptionnel utilisé seulement dans des situations de difficultés économiques. Le licenciement pour motif économique est devenu un instrument de gestion usuel de l’entreprise, apte à être utilisé pour maintenir des résultats économiques positifs ou une bonne position concurrentielle.

Néanmoins, ce changement de conception a été introduit en combinaison avec un autre mot clé dans notre sujet: la «Flexicurité». Elle signifie un dispositif social autorisant une plus grande facilité de licenciement pour les entreprises (volet flexibilité) et des indemnités longues et importantes pour les salariés licenciés (volet sécurité). À titre d’exemple de types de flexibilité et types de sécurité concernés, citons : Flexibilité : organisation de la flexibilité au sein de l’entreprise au moyen de la formation et de la rotation « multitâche » des postes, qui repose sur la capacité des employés à effectuer des tâches et des activités différentes. Sécurité de l’emploi : sécurité qui découle de la législation sur la protection de l’emploi, etc. limitant la capacité de l’employeur à licencier comme il le voudrait.

Cependant, pour avoir une idée exacte de la position Marocaine en matière de flexibilité, il faut prendre en compte l’aspect suivant : le nombre de travailleurs sous contrat à durée déterminée est extrêmement élevé en comparaison avec les salariés permanents. Une raison importante à cela est son utilisation en tant qu’instrument d’une politique flexible du personnel, et une solution du licenciement.

Dans le même sens, un événement important doit être indiqué. Récemment, le gouvernement avait approuvé le décret sur les secteurs où le contrat à durée déterminée (CDD) peut être conclu. La nouvelle loi définit les conditions dans lesquelles l’entreprise peut conclure un contrat à durée déterminée (CDD). Cette loi offre la possibilité aux entreprises de contracter des CDD d’une durée de 2 ans ou 3 ans, voire plus, tout dépend du motif justifiant le CDD. De même, l’employeur peut recourir à un CDD pour des activités inhabituelles et exceptionnelles de l’entreprise. À titre d’exemple, l’organisation des salons, les projets d’une durée d’un an… Quant aux projets de plus d’un an, l’entreprise peut signer un CDD non renouvelable.

Il s’avère qu’il s’agit d’une loi qui menace largement la stabilité d’emploi et qui peut créer un déséquilibre des droits et des obligations entre employeurs et salariés.
Pour cette raison, la flexibilité n’est réalisable que s’il s’agit du produit d’une négociation collective et si elle s’inscrit dans le contexte des réglementations légales garantissant la protection de l’emploi, facteurs de stabilité et de sécurité pour les travailleurs. Envisager une flexibilité au sein de ce contexte législatif constitue une approche viable et vise à associer l’amélioration de la compétitivité et l’amélioration de la qualité de l’emploi et de la vie professionnelle.

Pour terminer, la flexibilité peut jouer un rôle clé pour promouvoir la productivité, l’innovation et la compétitivité. Elle peut également jouer un rôle essentiel pour permettre aux salariés de mieux concilier travail et autres activités ou responsabilités. Pour les salariés comme pour l’entreprise, elle peut améliorer la stabilité et la prédictibilité.

M. ATOUCH Abrahim
Docteur en Droit
Professeur universitaire,
Ex-inspecteur divisionnaire
du travail et des relations sociales.

Article du magazine « AIGLE », 6ème édition