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28 Oct 2020

Tribune libre

La reprise du travail après les vacances.

Avant  d’aborder la reprise, il serait utile de rappeler la définition du terme vacances. Ce  terme  vient  de vacant, du latin vacans, participe passé du verbe vacare :

  • être libre, inoccupé, vacant (par exemple une place, une maison…)
  • être inoccupé, oisif (avoir du temps libre)
  • vacui dies : jours de loisirs

Les vacances désignent à l’origine la période pendant laquelle les élèves cessent leurs études, puis les jours de vacances désignent les jours où l’on interrompt le travail pour se détendre.

Vaquer, c’est aussi suspendre ses fonctions, être en vacances :je vais vaquer tout le mois d’août !

En ancien français, un  vacant désigne un  oisif, une personne en vacances (ce sens a aujourd’hui disparu). Aujourd’hui, un vacancier désigne l’estivant :le vacant estival!

A priori les vacances n’ont que des aspects positifs. Elles favorisent le repos et surtout la récupération prolongée après les efforts de la période d’activité professionnelle.

Michel Audiard disait : « L’homme n’est pas  fait pour travailler, la preuve c’est que ça le fatigue.» Satire qui sous-entend à quel point la logique du repos est contenue dans celle du travail. Les nombreuses études effectuées dans ce sens relativement confirment les bienfaits des vacances sur le corps  et l’esprit : la pression artérielle baisse, la production d’adrénaline, hormone du stress, diminue et le bien-être subjectif est favorisé.

En effet lorsque on est au repos , non seulement le stress lié au travail est interrompu (à condition que l’on ne continue pas à l’entretenir en pensant  au travail et en appréhendant la reprise, ce qui risque de produire de l’anxiété), cependant on vaque à un plus grand nombre d’activités favorisant la santé dont de nombreuses études ont démontré les bénéfices sur l’humeur), exposition à la lumière (boostant l’humeur et favorable à la production de vitamine D),alimentation souvent plus variée, absorbée plus lentement, et en général dans des cadres agréables. On a aussi plus de temps et d’opportunités de découvrir d’autres horizons et de rencontrer de nouvelles personnes…

Les vacances c’est aussi l’occasion de prendre du recul du temps, de se ressourcer pour relativiser les épreuves affrontées pendant l’année et de  faire le point sur l’ampleur des efforts fournis pour les surmonter.

Enfin les vacances sont terminées et il est temps de reprendre travail. C’est loin d’être aussi facile à dire qu’à faire!

La reprise est appréhendée différemment d’un individu à l’autre.

Il n’y a aucun doute que tous ceux qui ont la possibilité d’exercer un métier qui leur plait et surtout de le faire dans un cadre qui soit à la fois enrichissant et valorisant accueillent la reprise de leurs activités, après une période de repos et de ressourcement, avec plus de motivation et de sérénité.

Malheureusement ce n’est pas le cas pour tout le monde. Certaines études ont démontré que pour un grand nombre de personnes, le travail au lieu d’être épanouissant serait source de stress et de mal être. Pour cette catégorie, la reprise, c’est une autre histoire. L’idée de fermer la parenthèse idyllique que l’on a patiemment attendue tout au long de l’année, apparaît comme un changement douloureux à revenir à la routine et à ses automatismes suscite une perception anticipée d’une réalité parfois compliquée, stressante, voire menaçante.

La source majeure de cet état intérieur fait de crainte, réside dans le besoin de prolonger cette idée de paradis. Laborit disait « L’Homme est doté d’un programme biologique de survie qui lui fait fuir le stress et rechercher en priorité le plaisir. »

Les vacances sont associées à une rupture de rythme, à la détente, à l’absence de contraintes, mais aussi à l’écoute de ses besoins physiques et psychiques, de ses envies, et à l’accès aux plaisirs dont on se prive la plupart du temps, pour de multiples raisons : question de temps, question de moyens. C’est toujours la même histoire qui se joue entre le principe de réalité et le principe de plaisir, dualité si chère à Freud. Or on le sait, c’est souvent le principe de plaisir qui l’emporte.

C’est ainsi que beaucoup de personnes risquent de souffrir de ce que l’on nomme la déprime post-vacances. On parle  aussi d’anxiété, dépression ou blues d’après les vacances. C’est un état émotionnel qui touche beaucoup de gens après leur retour de vacances et particulièrement quand ils reprennent leur travail. Ce n’est pas un problème cliniquement classifié, mais une étude récente aux États-Unis avait montré que plus de 35% des personnes ont déjà vécu le syndrome de déprime post-vacances.

La déprime ou blues post-vacances se manifeste par différents symptômes psychiques et physiques : fatigue générale, manque d’énergie et de concentration, trouble du sommeil, problèmes de digestion ou d’appétit, irritabilité, stress, etc. La crainte peut  également être un symptôme ou un résultat des autres manifestations. C’est la crainte de ne pas retrouver son énergie, de ne pas dépasser cette période et de décevoir les outres !

Les blues post-vacances sont également causés par l’effet de contraste, très connu en psychologie. Autrement dit, on passe d’une situation à une autre, complètement différente et le cerveau doit s ‘adopter. Il y a aussi le fait de s’habituer (cas longues vacances), de penser aux beaux moments, l’effet de la nostalgie ! Les émotions négatives à la reprise du travail sont tout à fait normales. Cela arrive à tout le monde, et pour des raisons valides, psychologiques ou physiologiques. Il s’avère aussi que certaines personnes sont plus aptes à avoir les blues et à trouver la « rentrée » difficile. C’est le cas des personnes qui ont tendance à stresser ou à déprimer ou qui souffrent du  »trouble affectif saisonnier ». Enfin les blues n’arrivent pas seulement si l’on passe d’agréables vacances. Le fait de passer des vacances peu satisfaisantes ou dons un contexte  »toxique » contribuerait à la déprime post-vacances.

Se sentir stressé, fatigué, un peu perdu, irrité est donc tout à fait normal. Ça passe probablement en quelques jours. Ceci dit, c’est important d’agir pour dépasser cette phase difficile et de ne pas laisser les émotions négatives s’emparer de soi.

Comment favoriser au mieux la reprise du travail, et aborder ce « déphasage » plus sereinement :

« Cultivez votre  jardin » disait Voltaire. Quel que soit la nature du travail :

  • Rentrer quelques jours avant la reprise permet de retrouver petit à petit ses habitudes et se préparer psychologiquement à la reprise.
  • Se concentrer sur les bénéfices que peut rapporter un métier que l’on fait par obligations. (lorsque l’on est dans une situation peu plaisante, on n’a que deux choix: soit on quitte soit on s’adopte.)
  • Fragmenter ses congés en les répartissant sur des périodes courtes tout au long de l’année.
  • Déjouer le stress en s’adonnant régulièrement à des activités sportives et de loisirs.
  • Reconsidérer les mille détails qui font son quotidien et tenter de les embellir pour échapper aux effets néfastes d’un stress permanent.

 

Dr. MOSTAFA MASSID
Psychologue clinicien

Article du magazine « AIGLE », 2ème édition