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11 Août 2020

CINÉ & COACHING

Le Septième Sceau (The seventh seal) sorti en 1957, est l’un des films les plus importants dans l’histoire du cinéma, non seulement il est réalisé par le grand Réalisateur suédois Ingmar Bergman (1918-2007), mais il est aussi l’un des rares films qui figurent systématiquement sur toutes les listes des meilleurs films de l’Histoire du cinéma. Alors que la peste noire envahit le pays, un chevalier et son écuyer, reviennent des combats dans les croisades. Ils trouvent leur pays ravagé par la peste, leurs compatriotes fous de peur et leur cause perdue. Le chevalier est confronté à la personnification de la mort, alors il la défie à une partie d’échecs pour se donner le temps de chercher des réponses aux questions qui affligent son esprit alors que la mort tourmente son pays.

La mort accepte, sachant que le chevalier ne peut pas échapper à son destin, et les deux commencent leur partie. Et alors que l’histoire continue, le chevalier et son écuyer rencontrent plusieurs témoignages de l’agonie que la peste noire a apportée sur leur terre. Ils trouvent la folie dans les yeux de tous ceux qu’ils rencontrent, car tout le monde est convaincu que Dieu est en colère et qu’il punit le monde par la peste. Mais au cours de leur voyage sombre, ils trouvent également un petit groupe des acteurs nomades, qui semblent être les seules âmes qui sont restées saines et joyeuses au milieu de la mort et de la peur.

Le chevalier et l’écuyer se déplacent à travers la campagne dans l’espoir de trouver la sécurité dans le château du chevalier, mais la mort est toujours au coin de la rue, attendant son heure. L’histoire est simple mais très lourde des thèmes majeurs comme la vie, la mort, la foi, et le « Silence du Dieu » face au mal jeté sur l’humanité, ce sont des sujets considérés comme tabous à l’époque, et certainement de faible attraction commerciale, par conséquent, le film a échoué au box-office, mais il a certainement survenu le test du temps pour devenir ce qu’on appelle « Classic » dans le langage du cinéma.

Le développement des caractères est lent, mais très subtile et fascinant à témoigner, pour le chevalier, c’est un moment pensif, il est troublé par ce qu’il perçoit comme « le silence de Dieu » et il a soif de connaissances et de sens pour sa vie, ainsi que d’une résolution de foi qui l’avait déserté. L’écuyer, quant à lui, est doté d’une indifférence biaisée, car il ne croit en rien au-delà du présent et des circonstances actuelles.

Le contexte de la pandémie a donné lieu à un film plein de conversations réflectives entre les personnages, souvent sous forme d’argumentaires, et mis à part le symbolisme évident de la vie qui est un jeu d’échec qui termine inévitablement par un échec et mat, l’histoire est guidée par un dialogue  philosophique et une cinématographie très en avance sur son temps, dirigés par l’exécution brillante de Bergman, qui tourne chaque conversation à un tableau inoubliable qui reste vif dans la mémoire.

Et en coaching ?

Quand j’ai remis le premier draft de ce périodique, j’ai reçu un simple feedback de la part de M. Chafik Harti :

Que dirais tu de ce film en tant que coach ?

J’avoue que cette question m’avait intriguée, et par curiosité, je revisitais le film de nouveau pour voir si j’avais raté quelque chose, et je dois dire qu’effectivement, j’ai raté une nouvelle couche que je ne soupçonnais jamais exister dans un film que j’avais vu et analysé plusieurs fois : Un processus de  deuil qui prenait lieu au cours du film, avec ses cinq phases clairement exprimées et exposées à l’oeil nu !

L’état initial du protagoniste au début du film était le Déni : le chevalier est de retour d’une longue guerre qui lui a pris 10 ans de sa vie inutilement, il ne croit plus en Dieu et en amour, il est convaincu que Dieu a déserté le lieu malgré tous les sacrifices (La guerre sacrée), et que sa femme l’avait oublié. Alors, il cherche à gagner du temps pour répondre à ses questions, en défiant la mort en une partie d’échecs, toute en s’engageant avec lui dans un débat sur l’existence de Dieu.

Au cours de son voyage, le chevalier rencontre des scènes qui le révolte davantage contre Dieu et la religion : Un pays ravagé par la peste, des religieux hypocrites qui l’ont envoyé risquer sa vie à la guerre avec ses camarades, pour rester et diaboliser une jeune femme et la brûler sur le bûcher, des morts abandonnés dans leurs villages, il est en Colère contre Dieu et la situation qu’il témoigne : « La foi est un tourment. C’est comme aimer quelqu’un qui est là-bas dans l’obscurité mais qui n’apparaît jamais, peu importe le volume de votre appel ».

C’est le point où le chevalier rencontre un couple des forains qui réjouirent leur vie simple, indifférents à ses questions existentielles, il est impacté par leur insouciance au point de remettre en cause sa quête : peut-être il vaut mieux se contenter d’une existence simple sans se casser la tête, c’est le Marchandage, mais cette situation ne durera pas, car la mort surgit à nouveau pour le tourmenter, et le chevalier est Déprimé, surtout après une discussion avec la fille juste avant qu’elle soit exécutée. Son désespoir est immense car Dieu n’a rien fait pour arrêter cette injustice, et lui non plus. La spiritualité qu’il cultivait pendant les 10 ans des Cruscades est inaccessible pour lui.

Mais l’espoir ressort à nouveau, avec le couple des acteurs Jof et Mia, et avec leur enfant Michael : après avoir partagé brièvement leur existence paisible, savourant un simple repas de fraises et du lait, la motivation de faire « Un acte significatif » a trouvé place dans le vide qui remplissait le chevalier. Alors il les aide à traverser la forêt pleine des menaces pour trouver refuge dans son château, car il réalise que même s’il ne souhaite pas être comme Jof et Mia, il apprécie leur mode de vie et ne souhaite pas les en voir privés, et sa récompense était de trouver que sa femme l’attendait toujours, elle l’accueillit chaleureusement avec ses nouveaux amis.

Avec son acte significatif, le chevalier a ouvert son coeur à l’amour. Il est entouré par sa famille et ses nouveaux amis, Et avec cela, la lumière vient, et le poids du désespoir d’Antonius Block commence à monter. C’est l’Acceptation. Quand j’ai creusé un peu dans la vie de Bergman, j’ai trouvé qu’il était soumis à une éducation très sévère par son père qui était un pasteur luthérien très rigide, et qui avait élevé Bergman et ses frères et soeur dans la traque du péché et d’expiation à un point obsessionnel, cela m’a poussé à penser que le film est une Projection de l’expérience de Bergman avec la religion, et que le tourbillon dont souffre notre protagoniste est la manifestation de celui que le directeur a vécu.

Le Septième Sceau est l’un des films supérieurs dans le genre des films qui traite les pandémies, mais il y en a d’autres qui sont aussi intéressants à voir, à titre d’exemple : Contagion (2011) qui traite la gestion opérationnelle de la crise issue d’une pandémie qui explose à l’échelle du globe, et Train to Busan (Film coréen sorti en 2016, qui est considéré une référence dans le fameux genre du Zombie Apocalypse). Et je ne peux pas rater l’occasion de recommander l’excellente mini-série « Chernobyl » (HBO) qui même si elle ne traite pas techniquement le sujet de pandémie, treste un aperçu très fort sur une crise qui a mis en danger la vie des millions de personnes.

Jusqu’à un temps récent, les films qui traitent les pandémies faisaient partie; soit des films historiques, soit de la science-fiction, mais avec ce que nous vivons actuellement, il est définitivement possible de les mettre sous la catégorie des films inspirés des histoires vraies, et au lieu de savourer le confort de rester à l’abri des frissons vécus par les personnages de ces films, nous sommes aujourd’hui au coeur de l’événement, en train de créer notre propre histoire, et de jouer notre partie d’échec..

Mme. Kassimi Fatima
Coach Personnel et Professionnel
Responsable Développement RH

Article du magazine « AIGLE » , 5ème édition