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21 Mai 2020

LE STRESS AU TRAVAIL

CE QUI SE PASSE « VRAIMENT »

Le mot stress dérive du latin « stringere » qui signifie étreindre, serrer. C’est une réponse physiologique de l’organisme à une situation épuisante, dangereuse ou angoissante.

Lors des situations stressantes, le cerveau produit de l’Adrénaline et peu après le Cortisol. La répétition des situations de stress ou stress chronique aboutit à une dérégulation de la production du cortisol avec comme conséquence l’augmentation chronique de la glycémie, l’inhibition de certaines réponses du système immunitaire, la dérégulation du métabolisme des lipides protéines et glucides, la dérégulation du cycle veille-sommeil.

Les effets du stress chronique sur la santé sont multiples, citons par exemple l’hypertension, la nervosité, la fatigue, la dépression… L’état de stress n’est pas une maladie en soi mais lorsqu’il est intense et qu’il dure, il peut avoir des effets graves sur la santé physique et mentale des travailleurs concernés.

LE STRESS EN MILIEU PROFESSIONNEL

Avez-vous un travail stressant ? Êtes-vous entouré à votre travail par des personnes stressantes ?

Dans un premier temps nous étudions la notion de stress au travail sans insister sur la dimension psychologique liée à la présence de personnalités dites « difficiles ». Nous essayons de concevoir les risques psychosociaux indépendamment du caractère des managers, mais nous devons garder en tête, que probablement les troubles psychologiques de certains managers génèrent des niveaux de stress encore plus insupportables chez les salariés.

Un premier niveau de stress au travail est ressenti lorsqu’un déséquilibre est perçu entre ce qui est exigé de la personne, notamment les contraintes imposées par son environnement professionnel et les ressources dont elle dispose pour répondre à ces exigences : l’individu perd le contrôle sur la situation.1 Dans les sociétés fortement industrialisées, un nombre grandissant de salariés déclarent souffrir de symptômes de stress que l’on relie à des facteurs appelés risques psychosociaux (RPS). Présent dans tous les secteurs d’activité, ce phénomène a un impact sur le fonctionnement des entreprises (absentéisme, turnover, ambiance de travail…)

IMPORTANCE DES SYMPTÔMES DUS À UN ÉTAT DESTRESS CHRONIQUE AU TRAVAIL

Symptômes physiques : douleurs (coliques, maux de tête, douleurs musculaires, articulaires, etc.), troubles du sommeil, de l’appétit et de la digestion, sensations d’essoufflement ou d’oppression, sueurs inhabituelles…

Symptômes émotionnels : sensibilité et nervosité accrues, crises de larmes, angoisse, excitation, tristesse, sensation de mal-être…

Symptômes intellectuels : perturbation de la concentration entraînant des erreurs et des oublis, difficultés à prendre des initiatives ou des décisions…

Ces symptômes ont des répercussions sur les comportements : recours à des produits calmants ou excitants (café, tabac, alcool, somnifères, anxiolytiques, stupéfiants,…), repli sur soi, difficultés à coopérer, diminution des activités sociales, agressivité…

PATHOLOGIES ASSOCIÉES AU STRESS CHRONIQUE

Si la situation de stress se prolonge encore, les symptômes précédents s’installent ou s’aggravent, entraînant des altérations de la santé qui peuvent devenir irréversibles :

Syndrome métabolique : le « syndrome métabolique » est le premier stade pathologique observable de l’hypersécrétion prolongée de catécholamines et de glucocorticoïdes. Il associe hypertension artérielle, obésité abdominale, résistance à l’insuline et perturbations du métabolisme des lipides sanguins (cholestérol, triglycérides…).

Maladies cardio-vasculaires : le syndrome métabolique constitue un facteur de risque pour le système cardiovasculaire. Les salariés exerçant une activité professionnelle sans grande marge de manoeuvre ou avec une forte exigence de productivité sont plus fréquemment exposés à ces pathologies. (Il en va de même pour les salariés exposés au « job strain » du modèle de Karasek qui associe forte exigence psychologique et faible marge de manoeuvre).

Dépression et anxiété : comme le montrent les études sociologiques (voir les modèles définis plus bas), la dépression est plus fréquente quand le travail associe une forte exigence psychologique à des faibles marges de manoeuvre et à un manque de soutien social (absence d’aide de la part des collègues ou de la hiérarchie).

REPÈRES PSYCHOSOCIOLOGIQUES

Le modèle de Siegrist permet d’explorer deux dimensions psychosociales :

A- Les efforts extrinsèques : contraintes et exigences liées au travail à la fois sur le plan psychologique que physique (contraintes de temps, interruptions, responsabilité, charge physique, exigence croissante du travail, etc.).

B- Les récompenses : salaire, estime, contrôle sur son propre statut professionnel (perspectives de promotion, sécurité d’emploi).

L’hypothèse du modèle de Siegrist, c’est qu’un déséquilibre entre des efforts extrinsèques élevés et des récompenses faibles entraîne des réactions néfastes (pathologies liées au « job strain » sur le plan émotionnel et physiologique).

Le modèle de Karasek qui est aussi un outil d’évaluation des facteurs de risques psychosociaux au travail :

Il comporte trois dimensions :

A- La demande psychologique qui porte sur des aspects aussi bien quantitatifs que qualitatifs de la charge psychologique de travail.

B- La latitude décisionnelle qui comporte deux sous-dimensions : utiliser et développer ses compétences et qualifications, et son autonomie décisionnelle (marge de manoeuvre dans la manière de faire son travail et de prendre part aux décisions qui s’y rattachent).

C- Le soutien social au travail, il comporte des aspects relatifs au soutien socio-émotionnel et instrumental des relations avec la hiérarchie et les collègues.

Pour Karasek, une situation de travail est donc fortement génératrice de stress si elle associe :

  • Des exigences élevées au niveau du travail
  • Peu ou pas de contrôle sur son propre travail
  • Un soutien social faible de la part de l’équipe de travail ou de la hiérarchie.

À savoir : on peut explorer conjointement 5 dimensions psychosociales grâce à l’utilisation conjointe de questionnaires d’enquête psychosociale basés sur les modèles de Karasek et de Siegrist. Ce qui permet un diagnostic et une prévention du stress au travail par l’analyse des risques psychosociaux, avec une prédiction sur la santé à la fois physique et mentale.

LA DIMENSION « SANTÉ MENTALE« 

À mon avis il faut compter, pour mieux envisager le stress au travail et ses effets de burnout, avec les troubles de la personnalité de certains managers à tous niveaux. (Pour les troubles de la personnalité on devrait se référer au manuel DSM 5).

Les troubles de la personnalité sont des troubles tout à fait ordinaires et fréquents dans les familles et au travail. N’oublions pas une étude de l’OMS et du ministère de la santé du Maroc qui présente une statistique de 50 % environ de la population comme ayant souffert ou souffrant de troubles psychiatriques.

Il est grand temps, du reste, de comprendre qu’il n’y a pas que les troubles spectaculaires de comportement et qui désignent ce que nous appelons, à tort, très couramment des états de folie.

Beaucoup plus nombreux sont les troubles discrets et permanents liés à des styles de personnalités réputés assez stables de l’enfance à la vieillesse..

Nous pouvons songer, par exemple, à la personnalité perverse narcissique (PN) qui fait grand bruit sur les réseaux sociaux à l’heure actuelle.

Cette personnalité associe un narcissisme exagéré avec condescendance et grandiosité et simultanément un esprit rusé, malin (souvent avec un QI élevé) et potentiellement nuisible envers autrui, puisque dénuée d’empathie. J’aime personnellement définir le pervers narcissique en entreprise comme un « psychopathe en col blanc ». En effet, ce style de personnalité déviante est particulièrement répandu dans le milieu des affaires où il y excelle. À noter : une personnalité perverse narcissique décrite dans l’approche par traits des personnalités pathologiques selon le modèle DSM-5.

Sans le savoir, dans un souci de déployer des leaders à forte personnalité, capables de poursuivre des objectifs, par exemple de réduction de personnel et d’augmentation de la charge de travail, l’entreprise peut se constituer en nid pour personnalités narcissiques. On recrutera parmi eux des « coupeurs de têtes ».

Sur le plan économique ces personnalités « intelligentes mais faibles avec leurs chefs et impitoyables avec leurs subordonnés » semblent constituer une manne.

Mais à y regarder de plus près on ferait bien de changer de politique.

En effet, ces mêmes personnalités vont générer un taux de stress très élevé avec les maladies professionnelles citées, et en attendant celles-ci, une perte de productivité, une augmentation des erreurs dues au stress (le stress engendre des trous de mémoire, des déficiences de l’attention, et les premières absences au travail).

Bien des petits chefs, bien des patrons, vont envoyer une partie de leur personnel en cure psychiatrique pour y soigner des burnout accompagnés de dépression sévère. Certes, nous ne réduisons pas le fait que parmi le personnel et les collègues de ces gens-là figurent des individus plus sensibles et plus exposés aux conséquences néfastes de leur style de management (fréquemment la médecine du travail ne prend pas en compte la dangerosité des personnalités pathologiques mais tu incrimine la fragilité ou la faiblesse psychologique de la personne exposée à des symptômes de stress au travail).

J’ai commencé par un style de personnalité très spectaculaire, il ne faudrait pas croire que les PN soient les seuls à générer des troubles psychiatriques chez le personnel.

Une autre personnalité, par exemple, très fréquente en entreprise, est la personnalité obsessionnelle qui se soulage de son anxiété par une attitude de vérification et de contrôle extrêmement poussés. En management, ces personnes pratiquent le micro management, c’est-à-dire qu’elles veulent absolument tout contrôler et ont de très grande difficulté à déléguer. Comme elles sont extrêmement anxieuses, finalement jamais satisfaites, elles engendrent une colère contenue, une culpabilisation et une anxiété élevée chez leur personnel.

En fait, tous les troubles de personnalités sont supposés générer du stress dans les relations interpersonnelles (certes dans les foyers mais aussi au travail) !

L’ensemble du personnel encadrant, en réalité, devrait se prêter à un examen de la personnalité avec dépistage des troubles.

Nous ne développerons pas ici la typologie de ces troubles qui, rappelons-le, sont extrêmement fréquents. Pour faire bref, disons que le DSM 5 propose une échelle de dysfonctionnement sur 2 axes : les troubles de l’identité et les troubles dans les relations interpersonnelles. Toutes les personnes qui possèdent une auto moyenne de déficience sur un de ces 2 axes possèdent aussi un trouble de la personnalité…

En d’autres termes, je serais d’avis d’ajouter l’enquête psychosociale, décrite plus haut, le dépistage des troubles de la personnalité chez les managers.

Personnellement, je pense que ce facteur est encore plus important que ceux d’une organisation du travail défectueuse !

En tout état de cause, on pourrait ajouter un coefficient de dangerosité du milieu du travail tenant compte de ce dernier facteur que j’ai voulu vous présenter…

Bernard CORBEL
Psychologue clinicien
Psychothérapeute & consultant

Article du magazine « AIGLE », 4ème édition