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05 Juil 2022

UN PEU DE PSY : Manager, est aussi une question de personnalité

Le propre de tout travail est de produire, des biens, des services ou des connaissances. Ceux qui les produisent sont tout naturellement mis dans un contexte organisationnel autant que ceux qui les dirigent et les encadrent. Pour que les producteurs, en l’occurrence les travailleurs, excellent dans leur travail, ceux qui les managent ont besoin d’une réelle connaissance des ressources dont les uns et les autres sont porteurs, une capacité de mobilisation de ces ressources qui soit à la mesure des enjeux de leur organisation et évidemment une certaine capacité de les préserver si ce n’est pas de les développer. N’a-t-on pas dit que le bon manager est celui qui sait utiliser les ressources existantes (mobilisation) et qui sait faire appel à celles inexistantes (recrutement) ? La question est ici de savoir si un style de management s’accommode beaucoup ou peu avec certaines missions où le coût humain compte énormément.

Manager des Hommes, comme chacun sait, ne demande pas qu’être lauréat d’une grande institution de formation, outillé de tout un savoir technique et encore moins d’être seulement expérimenté voire expert dans un domaine. Manager, au-delà des moyens et des outils mis à sa disposition est aussi une question de personnalité, entendue comme construction cognitive, sociale et émotionnelle. Dans ce sens, on peut légitimement se demander si la personnalité du manager a un collaborateurs. La question n’est pas anodine dans la mesure où elle renvoie à une variété de pratiques managériales dont chacune trouve justification dans une performance réalisée. Manager par la menace et la punition prônaient dans un certain style de management connu sous la théorie X en référence à Mc Gregor, permet dans certains cas de réaliser les performances souhaitées. Pour combien de temps ? et pour réaliser quoi comme travail ? Là est la vraie question sachant bien que certains traits de personnalité chez le manager, comme on le mentionnera plus  loin,  lui  permettent  de  faire l’affaire.

Evoquer donc la personnalité du manager n’a de sens que si on cherche à comprendre quelle formule managériale s’impose comme pertinente dans un contexte ou dans un autre, bien qu’on ait souvent tendance à s’orienter vers un management collaboratif ou coercitif. S’agissant de la personnalité du manager, la question de son impact sur les collaborateurs, et par conséquent sur leurs performances, ne cesse d’être l’objet de réflexion que ce soit dans les milieux scientifiques ou managériaux. Parlons-en, derrière tout niveau de performance se cache un coût humain plus ou moins supportable. D’où le questionnement sur le prix à payer pour obtenir un certain niveau de performances comme en témoignent les différents phénomènes liés aux risques psychosociaux dont le burnout, le workaholisme, le brown out, etc…

Bien sûr, ni les performances ni les modes d’organisation ne sont uniquement du ressort d’un manager quel qu’il soit, mais bien d’une multitude de facteurs dont ceux liés à celui-ci et qui sont, d’une certaine manière, déterminants.

Il a été démontré sous d’autres cieux que les caractéristiques de personnalité d’un manager sont de nature à produire des effets délétères sur la santé et le bien-être des collaborateurs ou au contraire des effets bénéfiques. Dans le premier cas, bon nombre de collaborateurs pense, par exemple, à quitter cette organisation ou le cas échéant ce service. Dans le deuxième cas, l’environnement sécurisant peut inciter les collaborateurs en conséquence à chercher à se maintenir dans l’organisation et donc à y rester loyal. La personnalité du manager revêt donc une importance capitale dans l’acte managérial, lequel acte explique en grande partie ce qui fait que des collaborateurs restent dans leur entreprise et s’y accrochent ou au contraire pensent à quitter. N’a-t-on pas dit que les collaborateurs ne quittent pas un travail mais un mauvais manager ? Mais qu’est-ce que la personnalité du manager a à faire dans cette histoire ? J’évoque ici deux cas de figures que nous rencontrons souvent dans les milieux professionnels : destructeur ou protecteur de la santé et du bien-être des siens. Le premier cas de figure fait état de comportements d’harcèlement via des embêtements de toute sorte, histoire de se procurer un plaisir. Le deuxième cas de figure, au contraire, trouve plaisir dans le partage du bien-être. L’un stimule la performance, l’autre inhibe l’excellence. Et s’il y a excellence comme on essaie de faire croire elle n’est que factuelle, provisoire et éphémère. Cela explique le fait qu’on quitte son organisation à la première occasion qui se présente, une fois persuadé que le management est la source du malaise. On ne cesse de montrer que ceux qui ont l’intention de quitter ont déjà quitté dans les sens où ils ne sont là que pour le temps de trouver une autre opportunité.

Pour étayer mes propos sur l’impact de certaines caractéristiques de la personnalité du manager sur ses collaborateurs, j’évoque à titre d’exemple, le manager de type ‘’pervers narcissique’’ et le manager de type bienveillant. Le pervers narcissique se nourrit des difficultés et des tracas causés à autrui. Le bienveillant est ouvert aux autres, conciliant et animé par le sens du partage.

Les gens qui travaillent aux côtés du pervers narcissique, ne sont pas censés exister pour eux-mêmes mais pour lui. C’est pourquoi, il a tendance à préférer les personnes suivistes qui ne cessent de vanter ses qualités même quand il n’en a pas.

A l’inverse, les gens qui travaillent aux côtés du bienveillant sont valorisés pour ce qu’ils sont, y compris quand ça ne verse pas dans son bon vouloir. Il trouve même judicieux qu’on lui rapporte ce qui pourrait contredire ses options pour pouvoir les améliorer. Le pervers est le centre de gravité du monde et le bienveillant est contributeur au développement de l’équipe des collaborateurs. Il ne faut surtout pas s’étonner de voir que les gens qui côtoient le pervers narcissique transmettent sa toxicité si l’on peut dire à ceux qui l’entourent dans une logique de rouleau compresseur : je subis, je fais subir autour de moi. Il ne faut pas s’étonner non plus de voir que ceux qui entourent le bienveillant, transmettent reconnaissance et assurance.

C’est la raison pour laquelle, les outils d’évaluation de la personnalité, au moins au moment du recrutement, s’avère d’une grande utilité. L’objectif étant, quand c’est le cas, de détecter des indicateurs susceptibles de renseigner sur la présence ou l’absence de certaines caractéristiques de personnalité qui peuvent être demandées ou contre-indiquées dans le management. Bien sûr, on ne peut se référer à de tels procédés que lorsque l’organisation est consciente des enjeux liés aux problématiques qui lui seront probablement ramenées par certains profils de personnalité si elle ne se donne pas la peine de les repérer avant qu’ils ne l’intègrent.

Pour cela, la vraie question consiste à se demander : quel environnement de travail veut-on construire et quelles caractéristiques de personnalité rechercher lors du recrutement des collaborateurs, managers ou managés ? Les organisations ont toujours intérêt à se référer au savoir professionnel outillé par des instruments d’évaluation et de mesure dont les inventaires de personnalité. C’est ainsi qu’elles accentuent les chances de ne pas admettre des personnes porteuses d’incohérences dont elles peuvent faire l’économie. Tout dépend de la vision que l’organisation a du rôle du manager et de la conduite qu’elle espère lui faire tenir tout comme à l’ensemble des collaborateurs.

Mohamed BOUDIS

Psychologue du travail et des organisations, Consultant-Chercheur