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25 Mai 2022

PARLONS JURIDIQUE : La liberté du salarié au travail

La qualification contractuelle des rapports de travail suppose un cadre juridique permettant d’identifier une transaction portant non pas sur la mise en location de la personne du salarié, mais sur une prestation définie de ce dernier en contrepartie d’un salaire. C’est sur cette base que le droit du travail, comme organisation de la liberté au travail (Claude Didry, « Droit, démocratie et liberté au travail dans le système français de relations professionnelles ». Terrains & travaux- Edition/ ENS Cachan-  2008/1 n°14,  p. 218).  A cet égard, faut-il parler sur une liberté de la personne du salarié au travail?

Selon le principe de la volonté contractuelle, le salarié accepte de se placer sous l’autorité du chef de l’entreprise à l’occasion d’exécuter des tâches, mais cette subordination n’est pas absolue, elle ne concerne que la vie professionnelle du salarié. En revanche, sa vie extra- professionnelle ou bien sa vie privée reste libre(Alain supiot, « Critique du droit de travail », Paris, PUF, Quadrige 2011, p. 161). En effet, les entre- prises sont largement tolérées avec des temps flexibles, de pauses cigarettes extérieures, non seulement parce qu’ils sont la part intégrante de l’autonomie donnée au travail et du besoin nécessaire de convivialité des salariés, mais aussi parce que ces moments permettent des moments d’échange qui peuvent s’avérer très productifs. Que de problèmes réglés devant cette machine à café ou au restaurant d’entreprise, un plateau-repas à la main ! La claire distinction du temps de travail effectif et du temps de non-travail s’efface ainsi un peu plus chaque jour(Alain supiot, « Critique du droit de travail », Paris, PUF, Quadrige 2011, p. 161).

A cet égard, la Cour de cassation a affirmé que l’insulte prononcée par le salarié au sein de l’entreprise soit vis-à-vis de son employeur ou de tiers, est considéré une violation des ordres du travail et son déontologique et une faute grave justifiant la réalisation du contrat sans indemnités(Arrêt de la Cour de cassation du 29/03/2012 sous n° 617 dossier  n° 10/1/5/1285, in rapport annuel de la cour de cassation- année 2012. Imprimerie El omnia Rabat, p 112).

Lorsque la vie privée se présente donc aujourd’hui comme le droit de mener librement sa propre existence, il n’est cependant pas possible de faire preuve de tolérance à l’égard de tout comportement sous prétexte qu’il relèverait de la vie privée des personnes et que celles-ci, dans cette sphère, n’auraient aucun compte à rendre à la société (Alexandre Barège et Bernard Bossu, « Les TIC et le contrôle de l’activité du salarié », in La Semaine Juridique Social n° 41, 8 Octobre 2013, p. 1393).

La nécessité de protéger la liberté du salarié de fixer sa résidence personnelle et familiale sans être soumis à l’autorité patronale n’est pas contestable. Cette liberté se fonde sur la distinction entre vie professionnelle et vie privée du travailleur. L’autorité de l’employeur s’exerce au lieu et au temps du travail, mais ne s’étend pas à la manière dont il choisit de conduire sa vie privée, et en particulier, dont il fixe sa résidence. On touche ici aux libertés fondamentales du travailleur, et cela justifie en principe l’annulation des clauses contractuelles y portant atteinte (clause de résidence)( Jean Savatier, « Libertés fondamentales des salariés. Liberté de choix de la résidence. Nullité des clauses contractuelles contraires », in Revue Droit social 2005, p. 809).

La notion du lieu de travail classique est révolue puisqu’on assiste, aujourd’hui, aux développements, de plus en plus, des emplois à domicile notamment ceux qui font appels aux TIC « cyberespace ». En d’autres termes, le monde de l’entreprise se force de s’adapter aux mutations rapides et considérables que connait la société en repensant autrement les espaces de travail pour satisfaire les nouveaux modes de fonctionnements exigés par la modernisation des mœurs (Paul-Henri Mousseron, « Le lieu de travail, territoire de l’entreprise », in Revue Droit social 2007, p. 1110). Ainsi, l’apparition des NTIC, menace pesant sur le respect de la vie privée du travailleur, montre que les progrès réalisés dans le domaine de la protection de la liberté des salariés dans le milieu professionnel peuvent être continuellement remis en cause. On est désormais frappé par le développement des techniques juridiques permettant de concilier la subordination du salarié dans l’exécution de sa prestation de travail avec le maintien de ses libertés fondamentales de personne humaine (Jean Savatier , « La liberté dans le travail », in Revue Droit social 1990, p. 49).

Une réflexion exclusivement centrée sur le conflit qui met en confrontation la vie privée et la vie professionnelle et qui occulte la typologie des atteintes à la vie privée et familiale comme s’il était suffisant de cerner les contours d’une bulle secrète. Au-delà de son intimité corporelle, conjugale, familiale…, la vie privée est protégée en dehors du domicile, sur la chaussée, dans et à l’extérieur des murs de l’usine, la vie publique ne trace même plus une limite certaine. Le respect de la vie privée s’affirme dans la relation de travail, plus généralement dans la vie professionnelle ( Jacques Ravanas, « Protection de la vie privée : la preuve illicite d’une relation « défectueuse » de travail », in Revue Recueil Dalloz. 2003, p. 130).

Brahim ATROUCH

Docteur en Droit, Professeur universitaire.