Au moment d’écrire cet article, je me suis amusée à faire une recherche «leadership» sur Google, le moteur de recherche m’a donné en moins d’une seconde (plus exactement en 0,44), 793’000’000 résultats !!!

Une avalanche d’articles de fond, de recherches sérieuses, une inflation de « copier / coller » et de reproductions irrespectueuses des règles élémentaires de la propriété intellectuelle et une pléthore de conseils pour devenir un vrai leader. Parce que, apparemment, il y en a des faux !!! Ce n’est pas moi qui le dit, mais les donneurs de leçons sur la Toile.

Pour partager avec vous ma perception de ce qu’est le leadership, je vais vous conter une histoire. J’aime en raconter. C’est celle d’un directeur de plusieurs établissements publics que m’avait présenté une amie. Elle me parlait comment ce directeur avait transformé la vie de plusieurs élèves et de leur famille.

J’ai fini par le rencontrer. Depuis notre première entrevue, une complicité s’est installée. J’ai su poser les questions qui font tilt. Vous me direz que c’est le propre du coach. Je valide. Il a su donner les bonnes réponses, avec un sourire malicieux et avenant. Parfois, il a su anticiper mes questions de clarification.

Au fil de ses réponses, je me suis construite une idée très claire de sa façon de faire. De sa façon de leader les collèges dont il avait la responsabilité et notamment sa façon d’embarquer les jeunes dans de belles et étonnantes aventures. Il n’a jamais été formé au développement personnel et encore moins au leadership. Mais, il avait la flamme, la clairvoyance et le courage d’aller jusqu’au bout de ses idées.

• «Je suis le directeur de tous les élèves»

Dans l’un des collèges où il a été nommé directeur, il avait trouvé «une certaine ségrégation». Les enseignants et l’ancien directeur avaient décidé de séparer les bons élèves des mauvais. Comme séparer le bon grain de l’ivraie. Les bons élèves avaient des classes plus propres et pendant les récré, ils ne jouaient pas et ne s’adressaient pas «aux autres». « Les affranchis* ». Les enseignants leur accordaient plus d’importance et d’attention. Avec les autres, « il ne faut pas se casser la tête. Il n’y a rien à tirer d’eux.» Référence au film « Les affranchis », qui raconte l’histoire de trois amis gangsters.

Quand je lui ai demandé pour quoi cela le dérangeait, il m’a donné la réponse suivante : «Je ne peux être que le directeur des bons élèves. Ils sont tous sous ma responsabilité. Ils sont tous mes élèves! Je n’ai pas le droit de me dérober à ma responsabilité sous prétexte qu’ils sont mauvais. C’est mon rôle de les intégrer pour qu’ils puissent poursuivre leurs études».

Puis il se reprend : « Ce sont eux (c’est-à-dire l’ancien directeur et les enseignants) qui disent qu’ils sont mauvais. Est-ce qu’ils sont vraiment mauvais? ». That is the question!

Enseignement N°1: Un leader a le souci de fédérer tous les membres de son équipe autour d’un projet commun.

• «Les élèves ont un réel potentiel»

J’ai été, aussi, éblouie par le regard bienveillant qu’il porte sur tous ses élèves. Jamais, ce directeur n’a stigmatisé, n’a jugé. Etant le directeur du collège, il s’occupe de tous les élèves, même les «affranchis» qu’on avait cru bon de lui signaler. Ceux qu’il faut oublier, dont on ne peut plus rien tirer.

«Je refuse de croire qu’ils ne sont bons à rien. Je refuse de croire qu’un être humain est mauvais. Il le devient. Et je n’ai pas le droit de le sanctionner pour ce qu’il est devenu.»

Il croyait dur comme fer en la capacité de ces jeunes à s’en sortir. «Je sais qu’ils ont quelque chose. C’est à moi de la révéler et de les mettre sur le droit chemin».

Enseignement N°2: Etre convaincu que les membres de son équipe ont un potentiel et qu’il est de sa responsabilité de le révéler.

• «Booster l’estime de soi des élèves»

Paradoxalement, au lieu de «caser et de dénigrer les affranchis», il s’adresse à eux en termes bienveillants et responsabilisants.

En refusant de les caser, comme il le lui a été recommandé, ce directeur les a inclus. William Schutz , dans son bestseller «L’élément humain : Estime de soi, productivité et résultat d’exploitation», a fait de l’inclusion un élément fondamental de l’estime de soi. En incluant un individu dans une dynamique, dans une équipe, nous lui disons «tu existes, tu es important et tu es digne d’être aimé». Ce directeur ne jure que par l’estime de soi. Il a l’art et la manière d’aider et de valoriser l’autre.

Quand il voyait ces jeunes flâner dans la cour durant les heures de cours (il s’agit des «Affranchis»), il sortait traverser la cour du collège. Au début, les jeunes continuaient à plaisanter et à chahuter, quand il passait. Une façon à eux pour lui dire «tu ne nous impressionnes pas». Lui, il passait devant eux et leur disait «bonjour». Puis, passait. A la 3ème tentative, m’a-t-il expliqué, les jeunes commençaient à se taire quand ils le voyaient passer et à s’écarter devant lui. Certains baissaient la tête.

Enseignement N°3: Un leader n’infantilise pas les membres de son équipe, ne les stigmatise pas, ne les néglige pas, ne les oublie pas.

• «Les impliquer dans un projet»

Face aux «affranchis», qui cassaient l’école (fenêtres, ampoules, tables, tout y passait), il a refusé la répression. C’est trop facile, m’a-t-il dit. Il a choisi le difficile chemin de la co-construction.

Il m’a expliqué, par la suite, quand il avait constaté que leur attitude avait changé : ils se taisaient quand il passait. Il a compris que c’était le moment d’établir un contact avec eux. Que ses efforts ont apporté les fruits attendus. Le fer est chaud, il peut en faire une œuvre.

Un jour, il s’est arrêté devant eux et s’est adressé à eux «en adultes», sans jugement, ni reproches. Il leur a parlé de l’état des classes (pas leur classe) sans les accuser ou leur faire porter le chapeau. Rappelez-vous, il a la conviction qu’ils ne sont pas responsables.

Il leur a dit qu’il a besoin d’eux pour réfléchir comment rendre les classes agréables. Imaginez l’étonnement des jeunes qui s’attendaient à être sermonnés, accusés, pointés du doigt d’être les responsables de tous les maux de leur collège. Leur directeur qui leur déclare qu’il a besoin d’eux. Les propositions ont fusé. Ils avaient tous de très bonnes idées pour réhabiliter les classes.

Il leur a demandé de venir le voir le lendemain à 9 h pour en discuter. Le lendemain, à 9h tapantes, ils frappaient à la porte de son bureau et demandaient l’autorisation d’entrer. Il les a invités à entrer et à s’asseoir autour de la grande table de réunion. Pendant une heure, les collégiens lui faisaient des «propositions formidables» pour enjoliver leurs classes. Il les a notées toutes. Puis avec eux, il les a réorganisées et planifiées. A la fin de la réunion, il a exigé leur engagement ferme, si non ce n’est même pas la peine de commencer. «On tourne la page et on passe à autre chose».

Les jeunes lui avaient, tous, répondu qu’ils tiendraient parole et même plus ils veilleraient sur leurs classes «contre d’éventuels actes de vandalisme».

Enseignement N°4 : Un leader trace le cap et accompagne ses collaborateurs sur le chemin de la progression et les responsabilise.

• «Construire des ponts»

Le lendemain, les collégiens se sont mis au travail pour laver et récurer les classes vandalisées. Le directeur a mis à leur disposition les produits de nettoyage. Les autres enseignants et les «bons élèves» les regardaient amusés et médusés.

Un matin, le directeur découvre les parents de certains collégiens à l’œuvre. Un papa menuisier retapait les tables. Un autre papa peintre avait ramené de la peinture pour les murs. Un autre papa jardinier plantait des fleurs dans le jardin. Des mamans aidaient, aussi. «Nos enfants ont besoin de notre aide pour rendre agréable leur classe», lui ont expliqué les parents. L’élan de solidarité créé par cette initiative du directeur avait dépassé les murs du collège pour rallier les familles autour du projet. En quatre jours, les classes ont été remises à neuf.

Enseignement N°5 : Le leader fait preuve de créativité pour tisser des liens entre les membres de son équipe.

Mieux, elles étaient devenues plus agréables que celles des «bons élèves». Hic. Ceux-là avaient, eux aussi, décidé de «mettre à niveau leurs classes». Les «affranchis» les ont aidés. Maintenant, ils ont une expertise. Ils ont travaillé la main dans la main. Durant la récré, ils ont commencé à jouer ensemble.

L’émulation   aidant,   la   réhabilitation   des   classes «vandalisées» par les «affranchis» est devenue le concours de la plus jolie classe. D’après certaines personnes à l’académie, les classes de ce collège, quand ce directeur était aux commandes, étaient les plus propres et les plus agréables.

Emus par cet élan de solidarité et de co-construction, les enseignants ont mis la main à la poche et ont cotisé pour acheter ce dont les collégiens (bons et affranchis) avaient besoin : produits d’entretien, peinture, plantes, nappes et objets de décoration.

Ce qu’avait fait ce directeur n’exige aucun moyen. Mais un amour inconditionnel pour l’autre. Une considération inconditionnelle pour l’autre. Beaucoup de persévérance, de convictions, de passion et de patience.

  Enseignement N°6 : Le leader fait preuve de créativité pour tisser des liens entre les membres de son équipe.

• «Nous devons apprendre à écouter les jeunes»

Ce directeur, « coach malgré lui » a pigé. Les jeunes ont besoin d’être écoutés, valorisés et reconnus. Il va vers les jeunes sans préjugés, ni a priori. Il va vers eux avec l’élan du cœur. A chaque fois, les résultats ont dépassé les entendements. Certains responsables de l’académie parlent de métamorphose, de miracle dans les établissements où il est passé. Ses anciens collègues de bonheur et de plaisir de travailler avec lui. Et ses élèves, de père qui leur a redonné l’envie d’apprendre et d’évoluer. De devenir comme lui. Ils n’ambitionnent pas de devenir directeur d’école, mais celui qui éclaire le chemin des jeunes.

Enseignement N°7 : Le leader sait écouter pour permettre à l’autre de trouver en lui les forces pour aller de l’avant.

Nezha HAMI-EDDINE

Présidente de ICF Maroc Chapter Coach Professionnel- Consultante